Quantifier l'assimilation de polysaccharides par les bactéries marines
Les polysaccharides des algues forment un stock varié et abondant de matière organique pour les bactéries hétérotrophes marines, au centre du cycle du carbone dans l'océan. Dans cette étude, publiée dans la revue ISME Journal, les scientifiques notamment du Laboratoire de biologie intégrative des modèles marins (LBI2M - CNRS/SorbonneUniversité) montrent qu'un nombre limité de bactéries côtières peuvent utiliser efficacement certains de ces polysaccharides avec des taux d'assimilation élevés. Ces résultats pourraient permettre de mieux comprendre l'impact du métabolisme microbien sur le devenir du carbone dans les écosystèmes côtiers.
Les habitants des zones côtières ou les vacanciers de passage savent que les grandes algues peuvent être très abondantes et créer de véritables forêts sous-marines. Ces macroalgues sont en effet considérées comme des producteurs primaires majeurs dans les environnements côtiers. Grâce à la photosynthèse, elles fixent une quantité importante de carbone sous forme de polysaccharides, qui peuvent ensuite être libérés sous forme dissoute ou particulaire dans l'eau de mer. Les polysaccharides algaux constituent donc un immense réservoir de substrats pour les bactéries hétérotrophes. Pourtant, toutes les bactéries marines ne sont pas capables d'utiliser ces composés. Identifier quels taxons bactériens assimilent activement les polysaccharides algaux et quels gènes sont impliqués reste un défi, encore plus lorsqu'il s'agit de quantifier leur contribution individuelle au flux de carbone.
Pour répondre à cette question, les scientifiques ont mis en œuvre une approche intégrée de méthodes analytiques de marquage basée sur le traçage d'isotopes stables (Stable Isotope Probing en anglais, SIP). Cette technique permet de suivre l'incorporation dans le contenu cellulaire de substrats enrichis en isotopes stables (ici le carbone 13). Les scientifiques ont produit au laboratoire des algues brunes laminaires enrichies en 13C. De ces algues marquées, ils ont extrait l'alginate, un de leurs polysaccharides majoritaires. L'alginate marqué au 13C a été ajouté à des échantillons d'eau côtière pour suivre son assimilation par des bactéries spécifiques au sein des communautés microbiennes de cet environnement. Les résultats montrent que l'alginate est utilisé par un nombre limité de flavobactéries et gammaprotéobactéries initialement rares, et fournissent les premières estimations des taux d'assimilation de l'alginate par chaque cellule.