Explorer le sonido rajado, le « son déchiré » des flûtes pré-hispaniques chiliennes

Résultat scientifique Ingénierie

Une étude menée par une collaboration franco-chilienne vient de déterminer la nature précise du son joué par des flûtes préhispaniques originaires du Chili central. Les scientifiques ont utilisé un modèle mathématique pour expliquer le mécanisme de production des sonidos rajados joués par ces flûtes chiliennes à la forme particulière.

Toute personne ayant déjà soufflé dans une flûte à bec sait qu’il est possible de produire une grande variété de sons, dont certains sont très différents de celui recherché au départ. Les flûtistes expérimentés apprennent, au cours d’années de pratique, à contrôler l’instrument pour obtenir une note de la gamme ou des sons plus complexes, appelés multiphoniques. Ces sons multiphoniques sont utilisés dans de nombreuses cultures. Les flautas de chinos sont des flûtes pré-hispaniques originaires du Chili central. Elles sont jouées dans des processions qui visent à remplir l’espace physique et l’espace sonore pour favoriser un état de transe. Chaque flûte produit une unique « note », c’est à dire un son multiphonique, joué particulièrement fort, et qui est appelé sonido rajado, littéralement « son déchiré ». La nature précise de ce son restait jusqu’ici une énigme.

Des chercheurs français du Laboratoire d’acoustique de l’Université du Mans (LAUM, CNRS/Le Mans Université) et un chercheur chilien ont proposé un modèle mathématique écrit sous forme d’équations différentielles à retard qui a permis d’explorer et d’expliquer la nature des sonidos rajados. Le souffle du musicien produit un jet d’air instable, qui est perturbé par une rétroaction du résonateur acoustique de l’instrument. En adaptant finement la pression dans la bouche du musicien et la forme de l’instrument, l’ensemble des sons produits par les instruments de la famille des flûtes peut être prédit théoriquement. Les résultats du modèle mathématique sont en accord avec les résultats d'expériences sur les flûtes à bec et les flautas de chinos, et montrent que le mécanisme de production des multiphoniques et des sonidos rajados est commun. Ces travaux sont publiés dans la revue Journal of Computational Dynamics.