Bactéries multi-résistantes : l’ARN transfert-messager, cible prometteuse de futurs antibiotiques

Résultat scientifique Biologie

Des scientifiques de l’Institut de génétique et développement de Rennes (IGDR, CNRS/Université de Rennes 1) ont mis en évidence chez les bactéries un mécanisme de contrôle-qualité biomoléculaire, indispensable à leur survie et absent chez les mammifères. Cette découverte rend possible la conception de médicaments capables, tout en préservant les cellules du patient, de cibler ce mécanisme chez les bactéries multi-résistantes aux antibiotiques actuels. Publications dans RNA et Nature Communications (août 2021).

Antibiotiques contre bactéries multi-résistantes : viser le cœur des processus biologiques

Les extraordinaires capacités évolutives des bactéries, conjuguées à l'utilisation inadaptée des antibiotiques actuels, conduisent à une situation préoccupante. En effet certains de ces micro-organismes sont en voie d'échapper à tous les traitements dont nous disposons aujourd'hui.

La difficulté de développer de nouveaux antibiotiques est au moins double :

  • ils doivent être efficaces au point de dépasser les capacités d'adaptation des bactéries, et donc viser le cœur même de leurs processus biologiques ;
  • tout en présentant cette efficacité radicale, ils ne doivent pas être toxiques pour les personnes soignées.

Des scientifiques de l'Institut de génétique et développement de Rennes (IGDR, CNRS/Université de Rennes 1) viennent de mener deux études prometteuses. L'une décrit précisément un mécanisme-cible, propre aux bactéries et essentiel à leur survie. La seconde détaille un protocole permettant d'étudier les failles de ce mécanisme chez les bactéries les plus dangereuses pour la santé humaine, et ce sans risque de contamination.

La traduction : processus complexe, aux erreurs lourdes de conséquences pour la survie des cellules

Le récent succès des vaccins à ARN messager (ou ARNm) de BioNTech-Pfizer et Moderna contre le virus de la COVID-19 a mis en lumière la molécule d’ARNm, utilisée par toute cellule pour fabriquer des protéines.

L’ADN, porteur de l’information génétique, est trop précieux pour être directement utilisé pour la fabrication (ou synthèse) des protéines. Il est utilisé comme un modèle dont des copies partielles, les ARN, sont créées chaque fois que nécessaire. Sur un signal de la cellule,  un ARN se constitue en copiant la fraction d’ADN (le gène) qui code pour la protéine voulue. Cet ARN sera ensuite traduit en protéines, d’où son appellation de « messager ». Ce sont les ribosomes, ces nano-usines présentes dans le cytoplasme, qui traduisent le message apporté par l’ARNm en un enchaînement flexible d’acides aminés : la protéine.

Mais ce processus complexe n’est pas à l’abri d’erreurs, compte tenu de l’immense quantité de données biologiques à traiter. Par exemple, le message contenu dans un ARNm se termine ordinairement par un élément spécial, dit « codon stop ». À sa lecture, le ribosome arrête la synthèse de la protéine, la libère et se voit recyclé pour une prochaine traduction. Lorsque ce signal manque, ou au contraire est interprété trop précocement, le ribosome peut se bloquer et la protéine en cours de fabrication lui rester attachée, au lieu d’être libérée comme à la fin d’une traduction normale.

Ces erreurs peuvent être mortelles pour la cellule : elles immobilisent ses ribosomes et génèrent des protéines défectueuses, potentiellement toxiques.

Contact

Reynald Gillet
Professeur à l'Université de Rennes 1, à l'Institut de génétique et développement de Rennes (IGDR, CNRS/Université de Rennes 1)