Julien Gigault : à la recherche des nanoparticules polluantes

Prix et distinction Chimie

À cause de leur taille minuscule, les nanoparticules polluantes sont particulièrement difficiles à étudier. Pas de quoi décourager Julien Gigault, chargé de recherche au laboratoire Géosciences Rennes (CNRS/Université Rennes 1) et membre de l’unité internationale mixte Takuvik (CNRS/Université de Laval) au Canada, qui les prélève et les analyse. Des travaux qui lui valent de recevoir la médaille de bronze 2020 du CNRS.

  • Quels sont vos sujets de recherche ?

J’observe le comportement des nanoparticules dans l’environnement, afin de les identifier et de comprendre comment elles réagissent dans des lieux comme les mangroves ou l’arctique. Certains polluants sont manufacturés tels quels, comme les oxydes de titane et de silice utilisés par les industries cosmétiques et pharmaceutiques, mais d’autres sont des produits indirects des activités humaines. Il s’agit par exemple des nanoplastiques, issus de la dégradation de déchets, et des nanosuies qui proviennent de la combustion de ressources fossiles.

Je les récupère dans l’eau ou des sédiments, que je dois filtrer et purifier de façon séquentielle pour isoler ces si petites molécules. Il n’existe pas vraiment de protocole dédié pour ces opérations, je développe donc en même temps des méthodes de prélèvement et de caractérisation. Une fois les particules triées, je les analyse avec différents spectromètres de masse.

 

  • Qui vous a donné envie de vous mettre aux sciences et à la recherche ?

Au lycée, j’étais hyperactif, mal concentré et mes notes n’étaient pas très bonnes. Un professeur de chimie a su capter mon attention par des TP et des applications concrètes. J’ai eu un déclic et je suis devenu accroc à la chimie, je suis passé de 8 à 18 de moyenne en un mois et j’ai voulu aller le plus loin possible dans ces études, jusqu’au doctorat.

Comme j’ai grandi dans le Finistère, près de la mer, je me sens proche de la nature et de la protection de l’environnement. Sans être un écologiste militant, ça m’a toujours intéressé. En découvrant la chimie grâce à ce professeur, j’ai vu ses bienfaits et ses possibilités infinies, mais aussi les dangers qu’elle peut générer si ses impacts ne sont pas maîtrisés.

 

  • À quoi ressemble votre environnement de travail ?

Je suis basé au Québec dans une unité internationale sous cotutelle du CNRS et de l’université de Laval. Ici ou ailleurs, j’ai toujours refusé de ne rester qu’au bureau, je suis quotidiennement au laboratoire. En tant que chercheur, j’aime être proche des expérimentations et de mes collaborateurs pour essayer d’apporter des réponses concrètes. Au bureau, une partie de mon temps se partage entre la rédaction de publications et de projets et beaucoup de tâches administratives, mais je consacre facilement la moitié de mes activités au laboratoire.

Je passe également trois ou quatre semaines par an sur le terrain, par exemple en Guadeloupe. Là, j’ai suffisamment de données pour être occupé pendant plusieurs années. De toute façon, sur le terrain je trouve le personnel technique et les ingénieurs beaucoup plus efficaces que les chercheurs pour réaliser les prélèvements et gérer l’opérationnel. J’aime la complémentarité que l’on retrouve au CNRS, c’est une belle musique quand tout fonctionne.

 

  • Quelles sont les perspectives de vos travaux ?

Je suis persuadé qu’il faut se tourner vers l’Arctique en matière de changement climatique et de pollution. Cette zone forme une interface très fragile, soumise à une forte pression anthropique. Son état va énormément impacter l’homme et le climat, alors que cette région reste encore mal connue. Il faut comprendre ce qu’il s’y passe pour anticiper les évolutions globales, et ce en combinant le plus d’approches et de disciplines possibles. D’ailleurs, pour ma médaille de bronze, je remercie la Mission pour les initiatives transverses et interdisciplinaires (MITI) qui a soutenu mes projets dès le début et récompensé mes prises de risque.

 

  • Quel message aimeriez-vous faire transmettre aux jeunes générations ?

De ne pas croire les pessimistes qui vont vous dire que la recherche, c’est trop compliqué et que ça ne paye pas. La science n’est pas une voie de sacrifice ultime, le doctorat est tellement jouissif sur les plans humains et intellectuels qu’il vaut largement le coup. La recherche recrute partout, on y rencontre tellement de gens et apprend tellement de choses, sur le monde comme sur soi-même.

 

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