Chroniques martiennes d’un passé plus humide

Résultat scientifique Terre et Univers

Depuis les années 2000, la surface de Mars est scrutée par des caméras et spectromètres, à bord de sondes spatiales en orbite, révélant l’action de l’eau liquide sur sa surface, il y a plus de 3,6 milliards d’années : altération des roches volcaniques en argiles et sulfates, formation des réseaux de vallées ramifiées par des rivières sur les terrains cratérisés anciens et dépôt des produits d’érosion dans des plaines ; un ensemble de processus qui désormais, en l’absence d’eau liquide, n’opèrent plus. Les dépôts sédimentaires sont des marqueurs essentiels à la compréhension du climat et des conditions environnementales de la planète que les planétologues déchiffrent comme des chroniques martiennes.

Les premières structures sédimentaires identifiées sur Mars, de façon orbitale, sont les deltas, à l’image de celui du Rhône : déposés à l’embouchure de vallées, des amas coniques de sédiments à sommet plat débouchent notamment dans des cratères d’impact météoritiques, comme ceux de Terby, Eberswalde et Jezero. Ils attestent de la présence antérieure d’eau liquide en grande quantité dans ces cratères martiens. Si la structure des dépôts sédimentaires deltaïques est peu accessible depuis les satellites, on arrive cependant à observer dans les cratères de Terby et d’Eberswalde, des strates contenant des argiles, inclinées vers le centre des lacs, au niveau du front du delta.

Grâce à l’envoi d’engins robotisés (rovers) à la surface de Mars, une nouvelle ère commence pour le déchiffrage in situ des chroniques sédimentaires martiennes. Equipés d’instruments variés, ces rovers permettent d’imager et d’analyser la structuration, la chimie et la minéralogie des roches. C’est vrai en particulier, dans le cratère d’impact Jezero, dans lequel le rover américain Perseverance a atterri. Les premiers clichés ont dévoilé la présence de strates inclinées constituant la partie distale d’un delta suspecté depuis l’orbite. La géométrie de ces strates est similaire à celles observées dans des deltas sur Terre, témoignant ainsi de la présence antérieure d’un lac profond de plusieurs dizaines de mètres, et couvrant une surface supérieure au lac Léman. Par ailleurs, de gros blocs de plus d’un mètre de côté sont identifiés dans les strates supérieures du delta de Jezero, témoignant d’un changement drastique de régime d’écoulement. En effet, il faut un débit d’eau très important, comparable à celui des crues torrentielles terrestres, pour expliquer la présence de ces blocs. L’enregistrement sédimentaire d’un tel événement serait la preuve de la transition climatique entre Mars primitif humide et Mars asséché qui se serait produit vers 3,6 milliards d’années.

Contact

Véronique Ansan
Maître de conférences à l'Université de Nantes, au Laboratoire de planétologie et géodynamique (LPG, CNRS/Université de Nantes/Université d’Angers).
Nicolas Mangold
Chercheur CNRS au Laboratoire de planétologie et géodynamique (LPG, CNRS/Université de Nantes/Université d’Angers).