Comment l’épithélium maintient sa cohésion
Les cellules de l’épithélium s’assemblent et se maintiennent ensemble grâce à un maillage complexe à l’échelle du tissu. À Rennes, une équipe s’intéresse aux gènes et protéines qui composent les jonctions tricellulaires et assurent cette cohésion.
Présents à la surface de la plupart de nos organes, les épithélia sont des tissus composés de cellules étroitement accolées, dont la cohésion est essentielle à de nombreuses fonctions vitales telles que la protection, l’absorption, les échanges gazeux et la filtration. À l’Institut de génétique et développement de Rennes1
, Roland Le Borgne, directeur de recherche CNRS, dirige une équipe d’une dizaine de personnes qui explore les mécanismes de maintien de l’intégrité des épithélia.
« L’épithélium sert à l’absorption de nutriments dans le tube digestif, la filtration dans les reins ou encore aux échanges gazeux dans les poumons, rappelle Roland Le Borgne. Il est constitué de cellules polarisées reliées par des jonctions qui jouent le rôle de barrière. Ces jonctions sont sans cesse sollicitées tout au long du développement lors des divisions cellulaires, l’intercalation de nouvelles cellules ou la mort cellulaire. Nous étudions ces processus sur deux modèles complémentaires : la drosophile, un invertébré de référence en biologie du développement, et le xénope, un amphibien représentant des vertébrés. »
Des cellules aux formes polygonales
Dans un épithélium mature, les cellules, vues de dessus, adoptent une organisation hexagonale stable. Avant le stade mature, les cellules présentent des formes de polygones réguliers (pentagones, hexagones). Aux sommets des polygones se forment des points de contact entre trois cellules, appelés jonctions tricellulaires. C’est sur ces jonctions tricellulaires que se concentrent les recherches de l’équipe. Ces jonctions assurent à la fois une fonction de barrière et une régulation des tensions mécaniques dans le tissu. Les chercheurs cherchent à identifier les protéines qui s’y assemblent et à comprendre comment elles contribuent à la cohésion de l’ensemble.
« Les protéines diffèrent selon qu’il s’agit de jonctions bicellulaires et tricellulaires, explique Roland Le Borgne. Le premier cas de figure est mieux connu, d’où le fait que nous nous concentrons sur les jonctions tricellulaires. À l’aide d’outils génétiques, nous enlevons ainsi des composants à ces jonctions pour voir comment cela impacte l’intégrité du tissu. Ces travaux, très fondamentaux, visent à comprendre comment l’épithélium s’assemble et se maintient malgré son renouvellement permanent. Dans l’intestin par exemple, les cellules sont remplacées tous les trois à six jours grâce à la division de cellules souches. Pourtant, tout doit se tenir sans perte de maintien. Les chercheurs ont montré que l’absence de certaines protéines entraîne des défauts d’intégrité, ouvrant la voie à des pathologies où la barrière épithéliale se rompt. »
L’équipe s’intéresse également à l’impact de la division cellulaire sur la cohésion du tissu. Il existe en effet une division symétrique, où une cellule donne deux cellules identiques, et asymétrique, où les deux cellules filles sont différentes. Les chercheurs ont observé que ces divisions présentent des cinétiques d’assemblage distinctes : les cellules issues d’une division asymétrique reforment leurs jonctions bi et tricellulaires plus rapidement.
- 1CNRS/Univ Rennes