Du violon à l’équation, la friction passée au crible
Le projet Frictional part du mouvement de l’archet sur les cordes pour mieux modéliser les systèmes dynamiques non-réguliers. Des avancées qui pourront servir aux virtuoses, mais aussi pour l’industrie et les sciences du climat.
Prédire le son précis que fera l’archet lorsqu’on le frotte sur les cordes d’un violon, c’est à la première écoute une histoire de musicien. Pourtant, c’est aussi un problème de physicien. « Les instruments à cordes frottées comme les violons ont un comportement complexe, ce qui explique qu’il soit si difficile d’en jouer », commence Soizic Terrien, physicienne du CNRS au Laboratoire d’acoustique de l’Université du Mans1 et responsable du projet Frictional, avec lequel elle s’attelle justement à l’analyse de ce comportement. « Leur son provient d’un mécanisme d’adhérence-glissement, ou stick and slip, c’est-à-dire une succession très rapide de phases d’adhérence de la corde puis de glissement, qui se passe plusieurs centaines de fois par seconde ».
Un mécanisme avec des transitions brutales que les scientifiques savent modéliser et décrire grâce à des fonctions mathématiques, qui donnent des modèles dits non-réguliers, que l’on observe sous la forme de courbes « cassées ». « Aujourd’hui, il existe des modèles qui reproduisent dans les grandes lignes ces phénomènes, mais on ne sait pas encore dire précisément quel comportement est associé à quelle variation de paramètre ». Depuis 2023, une équipe formée au sein du Laboratoire d’acoustique de l’Université du Mans cherche donc à développer des modèles prédictifs fiables.
Frottements en tous genres
Pourtant, au laboratoire, pas de concert expérimental. « Une très grande partie de notre travail consiste en la recherche de méthodes de résolutions pour ces modèles mathématiques, qui diffèrent des systèmes qui varient de manière régulière », explique la chercheuse. Le développement des méthodes de résolution permet de créer une véritable cartographie des possibles avec les paramètres qui intéressent les scientifiques : où le musicien met son archet ? Selon quel angle joue-t-il ? L’archet appuie-t-il beaucoup ou peu sur la corde ? En fonction de cela, il est possible de trouver les frontières entre les différents régimes sonores en fonction des paramètres, donc dans quelle « zone » il n’y a pas de son, où il n’y en a qu’un seul possible et, « ce qui arrive le plus souvent, les zones dans lesquelles il y a plusieurs sons possibles. Dans ce cas, c’est au musicien de trouver la stratégie qui lui permettra d’accéder à l’un ou à l’autre ».
- 1CNRS/Le Mans Univ.