ERC « Advanced » : un scientifique nantais enquête sur le rôle des ONG et fondations privés dans les politiques pénales européennes
Le Conseil européen de la recherche (ERC) a annoncé jeudi 11 avril 2024 les résultats de l'appel « ERC Advanced Grant 2023 » qui financera cette année 255 chercheuses et chercheurs confirmés et reconnus dans leur domaine, tant au niveau national qu’international, pour un montant total de 652 millions d'euros tirés du programme cadre Horizon Europe. Gaëtan Cliquennois, directeur de recherche CNRS au laboratoire Droit et changement social (CNRS/Nantes Université)1 est lauréat de l’une de ces bourses. Son projet : analyser comment des groupes d'intérêt privés, tels que des ONG ou des fondations, influencent les politiques pénales et de détention au niveau européen.
- 1Il intégrera l’Institut de l'Ouest : Droit et Europe (CNRS/Université de Rennes) le 1er mai 2024.
Les bourses « Advanced » du Conseil européen de la recherche (ERC) permettent à des scientifiques, reconnus dans leur domaine aux niveaux national et international, de mener des projets novateurs à haut risque qui ouvrent de nouvelles voies dans leur discipline ou dans d’autres domaines. Visant des chercheurs confirmés avec des résultats significatifs en matière de recherche au cours des dix dernières années, ces bourses se situent à un niveau d’expérience plus élevé que les bourses « Starting » (jusqu’à 1,5 million d’euros et visant des porteurs et porteuses de projets européens ayant obtenu leur doctorat 2 à 7 ans auparavant) et « Consolidator » (jusqu’à 2 millions d’euros et 7 à 12 ans après le doctorat). D’une durée de 5 ans, ces projets bénéficient chacun d’un budget maximum de 2,5 millions d’euros.
Après des formations en droit, criminologie et sociologie du droit, Gaëtan Cliquennois s’est d’abord spécialisé dans le management, la gestion des risques et la responsabilisation en prison. Il a ensuite européanisé ses recherches en analysant les impacts de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme et de la Cour de justice de l’Union européenne sur les politiques pénales et pénitentiaires nationales. Il s’est ensuite tourné vers les mobilisations du droit et les recours contentieux opérés par des acteurs privés (ONG et fondations privées) et leur instrumentalisation de la justice européenne des droits de l’Homme.
Son projet JUST. PEN, financé dans le cadre de l’ERC, est dans la continuité de ses travaux précédents. Il vise à analyser les stratégies que les groupes d'intérêt privés utilisent pour encadrer les politiques pénales et de détention européennes, notamment par le biais de recours contentieux menés auprès de la Cour européenne des droits de l'Homme et de la Cour de justice de l'Union européenne.
En particulier, le projet JUST. PEN analysera si les valeurs morales promues par les groupes d'intérêt conservateurs, notamment chrétiens, et libéraux ont façonné les politiques pénales et de détention nationales en utilisant un ensemble de méthodologies juridiques, socio-juridiques, historiques, empiriques et politiques. Gaëtan Cliquennois étudiera comment et dans quelle mesure ces tactiques influencent les politiques pénales et de détention, notamment par un processus de coercition des droits de l'Homme. Un exemple d’actualité : les débats autour de la fin de vie, dans lesquels les associations libérales poussent à la décriminalisation de l’euthanasie alors que les associations conservatrices s'y opposent en dénonçant une culture individualiste de la mise à mort. Ces débats ont lieu au niveau national en France mais aussi au niveau européen, les ONG libérales et conservatrices introduisant des recours devant la Cour européenne des droits de l’Homme, à Strasbourg, pour promouvoir leur conception.