Il y a 36 200 ans, dans le Jura, Cro-Magnon sculptait les fossiles d’ammonites

Résultat scientifique Ecologie et environnement

Dans la revue Scientific Reports, une équipe internationale incluant des scientifiques du  Centre de recherche en archéologie, archéosciences, histoire (CREAAH, CNRS/Le Mans Université/Ministère de la Culture/Nantes Université/Université Rennes/Université Rennes 2) publie les résultats de l’analyse d’un objet hors du commun. À la Grotte des Gorges (Amanges, Jura), un artiste s’est servi d’un fragment d’ammonite (un céphalopode cousin du Nautile, disparu avec les Dinosaures il y a 65 millions d’années) pour y sculpter une petite tête animale, peut-être un ours ou un canidé. Il s’agit du premier exemple français d’un art figuratif miniaturisé contemporain de la grotte Chauvet. Les seuls exemples connus pour cette époque, en ivoire de mammouth, proviennent d’Allemagne.

Les premières sculptures en trois dimensions connues sont des petites figurines en ivoire de mammouth. Parmi elles se trouve la plus ancienne statuette féminine connue et la représentation d’un homme à tête de lion. Elles furent découvertes dans plusieurs sites archéologiques du Jura souabe (Allemagne), et sont attribuées à la culture dite de l'Aurignacien ancien (entre 40 000 et 36 000 ans avant le présent), produite par les Hommes de Cro-Magnon. L’homogénéité stylistique et la sophistication technique de ces représentations témoignent d'une tradition artistique régionale bien établie. Mais c’est justement cela qui interpelle les chercheurs et les chercheuses : bien que l'Aurignacien ancien soit présent dans toute l'Europe, de l'Espagne à la Pologne, ces sculptures sont sans équivalent à cette époque.  Comment une pratique artistique innovante comme la production de sculptures tridimensionnelles peut-elle rapidement devenir une tradition bien établie dans une région et ne pas être adoptée par les groupes vivant dans des régions voisines qui partagent pourtant les mêmes technologies et modes de vie ?

 L’analyse d’un objet exceptionnel, qui vient d’être publiée dans Scientific Reports, par une équipe internationale de chercheurs et chercheuses appartenant à des institutions de recherche françaises, allemandes, suisses et chiliennes, contribue à comprendre les raisons de cette singularité. Trouvé à la Grotte des Gorges (Jura, France), dans une couche datée à 36 200 ans, ce petit objet est particulier à bien des égards. Des techniques d'analyse de pointe, telles que la micro-tomographie aux rayons X, la microscopique électronique à balayage, les mesures de rugosité tridimensionnelle et l'analyse des résidus, révèlent qu’il s’agit d’un fragment d'une grande ammonite modifié intentionnellement puis décoré avec des entailles pour représenter une tête animale : un ours ou un canidé.