Pourquoi les algues toxiques envahissent-elles la rade de Brest ?

Résultat scientifique Terre et Univers

On se doutait bien que l’augmentation des algues toxiques dans certaines régions, comme c’est le cas en région Bretagne, ne pouvait être le fruit du hasard. En recoupant des données instrumentales et des analyses menées sur des archives sédimentaires estuariennes, des chercheurs ont mis en évidence le rôle de l’activité humaine et du changement climatique dans ce phénomène en rade de Brest. Aurélie Penaud, enseignante-chercheuse de l’Université de Bretagne Occidentale (UBO) au laboratoire Geo-Ocean (GO, CNRS/Université de Bretagne Occidentale/IFREMER) de l’Institut universitaire européen de la mer (IUEM, CNRS/IRD/Université de Bretagne Occidentale/Université Bretagne Sud), nous explique leur méthode scientifique et leurs conclusions.

Pourquoi avoir décidé d’étudier la rade de Brest ?

La rade de Brest est une grande baie de 180 km2, située dans le département du Finistère Nord. Elle est reliée à l'océan Atlantique par un étroit bras de mer large de 1 500 m : le goulet de Brest. Plusieurs fleuves côtiers s’y jettent, dont les plus importants sont l’Aulne et l’Élorn. Depuis 2012, l’algue toxique Alexandrium minutum, un dinoflagellé, y prolifère massivement. Les dinoflagellés sont des micro-organismes aquatiques, marins ou d’eau douce. Alexandrium minutum est filtré par les coquillages qui finissent dans nos assiettes, d’où sa dangerosité pour la santé humaine.

Lorsque j’ai rejoint le LGO en 2010, je travaillais sur l’analyse des archives sédimentaires prélevées dans différents secteurs de la façade Atlantique, depuis le golfe de Gascogne jusqu’au bassin du Congo. L’objectif était de comprendre l’évolution des climats et des environnements passés sur les dernières dizaines de milliers d’années, sous l’influence des forçages naturels mais aussi humains à l’échelle de l’Holocène, la période interglaciaire qui a commencé il y a environ 10 000 ans. Petit à petit, mes recherches m’ont amenée à me concentrer sur la rade de Brest. C’est un environnement très impacté par les humains mais qui n’avait pourtant plus été étudié depuis les années 1970 avec cette vision rétrospective sur plusieurs milliers d’années. Il m’a donc semblé évident de travailler dessus. Les études macro-régionales, comme celles que je menais auparavant, sont très importantes mais elles doivent être complétées par des études de cas à plus petite échelle spatiale. Cela permet de replacer les évolutions locales dans un cadre spatial élargi et de mieux comprendre les imbrications d’échelle dans la machine climatique.

Comment sont analysées les archives sédimentaires ?

Les archives sédimentaires que j’étudie sont des carottes de sédiments prélevées depuis les bassins sédimentaires côtiers jusqu’aux environnements océaniques profonds. En haute mer, les carottes peuvent permettre de remonter plusieurs centaines de milliers d’années en arrière mais les taux d’accumulation de sédiments (par exemple 20-40 cm de sédiments déposés en 1000 ans) ne permettent pas d’atteindre des résolutions d’étude annuelles. Plus proche de la côte, les archives remontent moins loin dans le passé mais permettent, dans certains secteurs abrités, d’atteindre des résolutions d’étude plus fines sur les derniers milliers d’années. En effet, les taux d’accumulation sont plus importants à proximité directe des sources continentales de sédiments. Ainsi, en rade de Brest, la dynamique de l’Holocène a pu être étudiée avec une résolution d’étude de 20-30 ans, voire même de 1-5 ans sur les derniers 150 ans, à partir d’une carotte baptisée I-09 et prélevée par l’Ifremer en baie de Daoulas.

Contact

Aurélie Penaud
Chercheuse UBO au laboratoire Geo-Ocean (GO, CNRS/Université de Bretagne Occidentale) de l’Institut universitaire européen de la mer (IUEM, CNRS/IRD/Université de Bretagne Occidentale/Université Bretagne Sud)