Subatech repart à la chasse aux neutrinos à la centrale de Chooz

L’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules (IN2P3) du CNRS et EDF ont signé le 7 septembre 2022 un accord de partenariat pour explorer la faisabilité d’une expérience neutrino de grande envergure sur le site de la centrale nucléaire de Chooz dans les Ardennes. Baptisé SuperChooz, ce projet envisage de mettre en œuvre une technologie de détection radicalement nouvelle qui pourrait positionner ce site européen au centre de l’échiquier de la recherche mondiale sur les neutrinos. Le laboratoire Subatech (CNRS/Nantes Université/IMT Atlantique) participe à cette phase exploratoire via un financement du Conseil européen de l’innovation (EIC).

Après l’expérience "Chooz" dans les années 90, puis "Double Chooz" dans les années 2010, cet accord est une nouvelle étape dans la collaboration entre EDF et le CNRS. Il concerne les études de faisabilité d’un nouveau projet de recherche sur les neutrinos beaucoup plus ambitieux que les précédents : l’expérience SuperChooz. Dans le cadre de cet accord, les équipes académiques vont pouvoir valider une nouvelle technologie de détection, baptisé liquidO (voir encadré), et son déploiement à grande échelle, mais aussi acquérir une vision exhaustive du programme scientifique que SuperChooz pourrait mener à bien. Côté EDF, les ingénieurs vont étudier la faisabilité technique du projet sur le site de la centrale, en particulier l’installation du détecteur dans la caverne du réacteur Chooz A, en cours de démantèlement.

Porté par l’IJCLab (CNRS/Université Paris-Saclay) et Subatech (CNRS/Nantes Université/IMT Atlantique), le projet AMO-tech (AntiMatter-OTech Novel Opaque Scintillator Technology for Nuclear Industry Imaging based on Anti-Matter Detection), financé par l’EIC, vise à assurer un monitorage du cœur de réacteur et fournir également une aide au démantèlement par les mesures des radiations environnementales.

LiquidO, au cœur de SuperChooz

Les neutrinos sont des particules élémentaires, de masse pratiquement nulle, qui sont engendrées par des réactions nucléaires. Ils sont encore aujourd’hui une énigme pour les scientifiques tant leur détection est difficile. Les détecteurs de neutrinos actuels utilisent des liquides scintillants transparents, de l’eau par exemple, pour favoriser la détection des neutrinos.

Le consortium LiquidO, coordonné par l’IJCLab (CNRS/Université Paris-Saclay), a la particularité de développer une technologie à base de liquide opaque. Les détecteurs à base de liquides transparents permettent de capter l’énergie d’une particule, mais sans possibilité de l’identifier avec certitude. Avec un liquide opaque, les dépôts d'énergie de chaque particule peuvent être situés précisément, révélant l’historique complet de la chaine de réaction des particules, ce qui permet de trier avec une grande efficacité les signaux issus des neutrinos de ceux générés par le bruit de fond.

Le laboratoire Subatech (CNRS/Nantes Université/IMT Atlantique), membre fondateur du consortium LiquidO, étudie les antineutrinos1 issus de réacteurs nucléaires depuis plus d’une dizaine d’années notamment à travers les expériences Double Chooz (France), SoLid (Belgique) et JUNO (Chine). L’expertise accumulée de l’équipe Neutrino du laboratoire lui confère des atouts importants pour le développement d’une nouvelle technologie de détection des neutrinos. Le laboratoire participe ainsi à la R&D de la technologie LiquidO, en mettant l'accent sur l'efficacité et les performances avec laquelle ce nouveau type de détecteur peut collecter la lumière de scintillation. L’équipe travaille également sur les aspects de stabilité thermique du détecteur. Par ailleurs, Il assume la responsabilité « détecteur » du projet, c’est à dire le suivi des prototypages et banc de tests ainsi queleurs organisations.  Il assure également la coordination adjointe du projet européen AMO-tech impliquant 4 pays (Allemagne, Angleterre, Espagne et France) ainsi que la responsabilité scientifique du détecteur du projet.

 

  • 1Un antineutrino est l'antiparticule du neutrino. Il a la même masse mais une "charge" opposée à celle du neutrino. Bien que les neutrinos soient électromagnétiquement neutres (ils n'ont pas de charge électrique ni de moment magnétique), ils peuvent porter un autre type de charge appelé le nombre leptonique. Leur hélicité est opposée également, droite pour les antineutrinos, gauche pour les neutrinos.
#
Signature de l'accord entre Cedric Lewandowski, directeur du Parc Nucléaire et Thermique EDF et Reynald Pain directeur de l’IN2P3 du CNRS© EDF - CNRS