Thierry Pain : un souffleur de verre au laboratoire

Prix et distinction Chimie

Ingénieur CNRS en conception et instrumentation à l’Institut des sciences chimiques de Rennes (ISCR, INSA Rennes/CNRS/ENSC Rennes/Université Rennes 1), Thierry Pain est avant tout souffleur de verre. Il fabrique sur place tous les éléments en verre nécessaires aux expériences et travaux de chimie, ainsi que des prismes et des disques polis pour l’optique de précision.

  • Quel est votre rôle à l’ISCR ?

En tant que souffleur en verrerie scientifique, je prépare, réalise et répare des montages pour les étudiants et les chercheurs en chimie. Ils viennent me voir avec leur projet, et je leur dis si c’est faisable ou non, ou si on peut l’améliorer ainsi qu’en réduire le coût. J’essaye également d’adapter mes pièces, afin qu’elles soient plus faciles à utiliser et avec moins de risque de se briser, en particulier lors des étapes de nettoyage où les accidents arrivent le plus souvent. Je tiens en même temps un magasin de verrerie, avec tout un stock de béchers et autres erlenmeyers, pour que les éléments les plus courants soient disponibles immédiatement et sans avoir à les acheter individuellement à chaque fois. Je fais en sorte que le laboratoire s’en sorte pour pas trop cher.

 

  • Comment avez-vous conjugué le travail du verre et le monde de la recherche ?

J’ai découvert le métier très jeune, en allant voir un fileur de verre qui fabriquait des oiseaux et des personnages au chalumeau. Bien que je sois originaire de Bretagne, je suis allé au lycée technique Dorian, à Paris, parce qu’il propose la seule formation de France en verrerie scientifique. Après mon CAP et mon BT, j’ai travaillé dans des sociétés privées, mais je voulais revenir dans ma région.

J’ai eu de la chance, l’ancien souffleur de verre de l’ISCR est parti à la retraite à ce moment-là. Le poste a d’abord été fermé, mais les chercheurs ont fait le nécessaire pour le maintenir et ça fera bientôt trente ans que je suis à Rennes, au laboratoire.

 

  • A quoi ressemble votre environnement de travail ?

J’ai plusieurs ateliers. Dans le premier, j’utilise des chalumeaux de table pour fabriquer des petites pièces, comme les réfrigérants. Une seconde salle est équipée de deux tours, l’un pour la silice l’autre pour le boro, pour manipuler des objets trop gros pour être tenus à la main : des tubes de silice de 110 millimètres et de pyrex jusqu’à 160 millimètres. Le processus reste le même, la machine tourne et je donne la forme au montage demandé. Enfin, un dernier atelier me permet de polir de l’optique de précision à une résolution inférieure à 0,5 micron.

 

  • Comment sont utilisés vos verres au laboratoire ?

Les étudiants s’en servent pendant les TP, pour apprendre, tandis que les chercheurs en chimie organique et minérale sont aussi très demandeurs. L’optique de précision est destinée à l’équipe « verres et céramiques », pour des verres infrarouges. En plus de la recherche, j’assiste l’école des beaux-arts de Rennes, qui a signé il y a deux ans une convention avec l’université Rennes 1. J’aide ses élèves qui souhaitent travailler sur le verre à réaliser leur projet de fin d’année, qui valide leur diplôme.

 

  • Quel message aimeriez-vous faire passer aux jeunes générations ?

J’accueille en ce moment un jeune stagiaire du lycée Dorian, et je veux lui transmettre la passion du verre. C’est un beau matériau, mais il n’est pas facile à travailler au début. Il faut beaucoup de motivation et s’accrocher. Le verre permet de réaliser de nombreuses choses, mais il est très capricieux. Il faut de la passion et de la patience pour rester longtemps sur certaines pièces et les terminer au chalumeau.

D’ailleurs j’ai été très touché de recevoir ma médaille de cristal 2020, que la branche des souffleurs de verre soit reconnue par le monde de la recherche. Nous sommes actuellement dix au CNRS et je suis le troisième souffleur à être ainsi récompensé. Mes collègues souffleurs m’ont appelé pour me féliciter.

 

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