Beatriz Funatsu : l’Amazonie face au changement climatique

Entretien Ecologie et environnement

Le poumon de la planète est à la fois menacé par le réchauffement climatique et la déforestation. Beatriz Funatsu, chargée de recherche CNRS au laboratoire Littoral, environnement, télédétection, géomatique (LETG, CNRS/Nantes Université/Université de Bretagne Occidentale/Université Rennes 2), étudie l’Amazonie en combinant sciences dures et sciences humaines et sociales, et observe notamment l’apparition de phénomènes climatiques de plus en plus extrêmes.

Un entretien à découvrir à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes 2022 et d’actions organisées en partenariat avec les membres de l’UNIR tout au long du mois de mars.

  • Quels sont vos thèmes de recherche ?

J’étudie la physique et la dynamique de l’atmosphère, et ses interactions avec les conditions de surface, telles que les changements d’occupation de sols. Je m’intéresse en particulier au cas de l’Amazonie, une région soumise à un double stress entre le réchauffement climatique et la déforestation. J’examine comment ces problèmes se transmettent entre les écosystèmes, et comment les gens s’y adaptent ou non. Mon approche est très interdisciplinaire, je travaille ainsi en étroite collaboration avec des géographes, des climatologues, des écologues spécialistes de la forêt…

La question des évènements climatiques extrêmes a pris une part de plus en plus importante dans mes travaux. Plusieurs études ont montré que les tendances des moyennes annuelles des précipitations ne sont pas nettes, ni uniformes, pour toute l’Amazonie. On constate que les évènements extrêmes deviennent plus fréquents. Davantage de pluies sont assez fortes pour provoquer des inondations, comme en ce moment à Petrópolis au Brésil, tandis que les saisons sèches s’allongent et s’intensifient. Ce phénomène est lié au changement climatique et à l’influence croisée, sur l’Amazonie, des océans Pacifique et Atlantique. Je cherche qui cause quoi, car ces effets non linéaires sont difficiles à démêler. Enfin, d’un point de vue plus social, j’examine la perception du changement climatique par les populations amazoniennes. 

 

  • Vous avez contribué au sixième rapport du GIEC. De quelle manière ?

Deux de mes articles scientifiques ont en effet été cités. Avec mes co-auteurs, nous y surveillons les précipitations et avons montré que, par endroits dans le sud de l’Amazonie, la saison des pluies s’arrête plus tôt et entraîne l’allongement de la saison sèche. Ce n’est pas partout la saison sèche qui écourte celle des pluies. Nos travaux contribuent à l’évaluation des incertitudes concernant les tendances des précipitations, et leurs impacts potentiels sur les activités humaines et les écosystèmes.

 

  • Quel regard portez-vous sur la place des femmes dans votre discipline ?

C’est difficile à dire car ma formation était plus orientée vers les sciences dures et la physique dynamique que mes travaux actuels ne le sont. Il y a statistiquement moins de femmes dans ce domaine, mais, dans ma promo, nous étions cinq filles sur six élèves. Nous ne sommes cependant que deux à avoir persévéré dans la recherche.

Je pense que nous devons être prudents lorsque nous essayons de promouvoir les femmes dans les sciences, ou ailleurs, afin que la discrimination positive ne leur porte pas préjudice par inadvertance. Je pense que les actions actuelles qui sensibilisent d’abord à cette problématique, et qui promeuvent un dialogue entre les hommes et les femmes, sont excellentes et constituent une étape cruciale pour éviter des préjudices.

Ces questions sont complexes. J’ai en tout cas eu la chance de ne pas avoir ressenti de discrimination de genre, positive ou négative, ni de pression pour justifier l’avancée de ma carrière.

 

  • Quel serait votre message à destination des jeunes générations ?

Que la science est fascinante ! Et si le métier de chercheur demande de la passion, il est aussi très gratifiant. On dit que « ignorance is bliss », mais aussi « knowledge is power ». La connaissance nous arme pour prendre les bonnes décisions.

Je voudrais d’ailleurs mentionner ma mentore, Chantal Claud, qui m’a beaucoup inspirée en supervisant mon postdoctorat au LMD1 . Elle m’a poussée à toujours chercher l’excellence et à ne rien lâcher pour poursuivre ma carrière dans la recherche.

  • 1Laboratoire de météorologie dynamique (CNRS/ENS/École Polytechnique/Sorbonne Université)
© Beatriz Funatsu, chargée de recherche CNRS au laboratoire Littoral, environnement, télédétection, géomatique (LETG, CNRS/Nantes Université/Université de Bretagne Occidentale/Université Rennes 2)

Regards croisés sur la place des femmes dans les sciences

À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, le CNRS s'associe aux actions « Regards croisés sur la place des femmes dans les sciences » organisées tout au long du mois de mars 2002 par les établissements membres de l'UNIR et ses partenaires.

Dans ce cadre, une série de 4 entretiens avec des scientifiques travaillant dans le domaine de l'écologie, permet de découvrir leurs travaux de recherche et leur vision de la place des femmes dans les sciences.