Céline Roose-Amsaleg : la microbiologie dans les eaux douces polluées

Entretien Ecologie et environnement

Dans les fleuves et les rivières, les microorganismes interagissent avec les nombreux éléments chimiques en suspension, y compris quand ils sont issus de la pollution et des eaux usées. Céline Roose-Amsaleg, ingénieure de recherche au laboratoire Écosystèmes, biodiversité, évolution (ECOBIO, CNRS/Université Rennes 1)au sein de l'OSUR1 , scrute ces liens pour comprendre l’état des écosystèmes.

  • 1Observatoire des sciences de l’Univers de Rennes (OSUR, CNRS/Institut Agro/INRAE/Université de Rennes 1/Université Rennes 2)

Un entretien à découvrir à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes 2022 et d’actions organisées en partenariat avec les membres de l’UNIR tout au long du mois de mars.

  • Quels sont vos activités et thèmes de recherche ?

Je travaille sur différents aspects de la microbiologie environnementale, avec un axe sur le fonctionnement des estuaires, un autre sur le traitement des eaux usées par les stations d’épuration et encore un sur les résistances aux antibiotiques. Je m’intéresse aux microorganismes présents dans l’eau et les sédiments, ainsi qu’à leurs rôles dans les cycles d’éléments chimiques tels que l’azote et le carbone. Parmi les pollutions pouvant perturber ces cycles, j’étudie les antibiotiques et les gènes d’antibiorésistances.

Pour exemple, sur le cycle du carbone, je suis impliquée dans un projet avec des traiteurs d’eau. La loi sur la transition énergétique et la croissance verte les incite en effet à valoriser au maximum les déchets solides des stations d’épuration, qui se présentent sous forme de boues. Ces dernières sont utilisées pour produire du biogaz, dont le méthane. Cependant, la teneur en matières organiques des boues étant souvent trop faible pour offrir des rendements intéressants, elles sont mélangées à des algues, des ordures ménagères ou encore du fumier. Or, certains mécanismes inhibent malgré tout la production de biogaz. J’examine donc les communautés microbiennes impliquées dans ces processus et cherche, par des outils moléculaires, à identifier leur rôle dans ces inhibitions afin de les éviter.

 

  • Quel regard portez-vous sur la place des femmes dans votre discipline ?

Il y a beaucoup de femmes en biologie. J’ai été plusieurs fois jury de concours et on retrouve toujours une majorité de filles dans les lauréats. Mais quand je discute avec des collègues d’autres disciplines, cela peut être complètement l’inverse et les femmes ont apparemment plus de difficultés à percer. Je remarque que les femmes, et ça a même été mon cas, osent moins se mettre en avant et aller vers des postes à responsabilités que les hommes, y compris quand elles ont exactement les mêmes diplômes.

Nous devons également gérer la période compliquée où les enfants sont en bas âge. J’ai eu l’impression d’avoir perdu mon cerveau à mon retour de congé maternité, car il est difficile d’être efficace et innovante au travail quand on ne dort pas bien. Et cela même quand le conjoint nous aide, alors ça doit être encore plus compliqué quand il ne le fait pas.

 

  • Quel serait votre message à destination des jeunes générations ?

Il ne faut pas hésiter à se créer un réseau, à aller voir les gens. Il faut aussi « mettre la main à la pâte » en faisant le maximum de stages, en plus de ceux qui sont obligatoires. Si on est sûrement trop jeune en troisième, les lycéens peuvent déjà contacter les laboratoires pour des stages pendant les vacances. C’est d’ailleurs pendant un stage entre mes deux années de master que j’ai décidé de me spécialiser en microbiologie et que j’ai appris des méthodes de biologie moléculaire que j’utilise encore aujourd’hui.

J’ai aussi compris que je ne me suis pas lancée dans la science pour avoir un prix Nobel. Il y a beaucoup « d’invisibles » aussi en recherche ! De plus, il y a des gens à qui la compétition, au moment du recrutement comme dans la carrière, ne convient pas alors que ces personnes et leur talent ont toute leur place dans la recherche.

Stockage dans un congélateur à -80 °C d'échantillons environnementaux. Chaque échantillon issu de prélèvements réalisés sur le terrain est rangé en boîte, référencée dans une base de données. © Jean-Claude MOSCHETTI / ECOBIO / CNRS Photothèque

Regards croisés sur la place des femmes dans les sciences

À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, le CNRS s'associe aux actions « Regards croisés sur la place des femmes dans les sciences » organisées tout au long du mois de mars 2002 par les établissements membres de l'UNIR et ses partenaires.

Dans ce cadre, une série de 4 entretiens avec des scientifiques travaillant dans le domaine de l'écologie, permet de découvrir leurs travaux de recherche et leur vision de la place des femmes dans les sciences.