Catherine Boussard-Plédel : objectif fibres optiques !

Entretien Chimie

Catherine Boussard-Plédel développe depuis 25 ans des fibres optiques à base de chalcogénures au sein de l’Institut des sciences chimiques de Rennes (CNRS/Université de Rennes/ENSCR/INSA Rennes). Cette ingénieure de recherche a grimpé tous les échelons du CNRS pour mener sa technologie au plus haut niveau. Elle est aujourd’hui utilisée dans de nombreux domaines, du médical en passant par l’environnement et l’énergie.

Regards croisés sur la place des femmes dans les sciences

A l'occasion de la journée internationale des femmes et filles de sciences, le 11 février 2023, et jusqu'à la journée internationale des droits des femmes le 8 mars 2023, découvrez la diversité des métiers d'ingénieures au CNRS à travers une série d'entretiens.
  • Quel est votre parcours ?

J’ai un parcours un peu particulier. Je suis entrée au CNRS en 1984 en tant que technicienne de laboratoire, avec en poche un DUT en chimie. Grâce à la formation continue, j’ai ensuite passé une licence, une maitrise, un DEA. La direction de mon laboratoire m’a ensuite confié la gestion d’un projet de recherche, ce qui m’a permis d’obtenir ma thèse en 1997.

En parallèle, j’ai passé des concours internes qui m’ont permis de grimper les échelons au sein du CNRS : ingénieure d’études en 1999, ingénieure de recherche en 2007, avec une classification hors classe depuis 2015. Le plus haut grade que nous pouvons obtenir dans cette catégorie. Je suis un pur produit du CNRS ! Quand on rate un concours, il faut rester motivé, mais on y arrive !

  • Sur quoi travaillez-vous ?

Depuis le début de ma carrière, je travaille sur les matériaux vitreux à base de chalcogénures, c’est-à-dire à base de soufre, de sélénium et de tellure. Ces matériaux sont développés au laboratoire depuis les années 1980 pour l’optique infrarouge. De mon côté, je travaille plus particulièrement sur le développement de fibres optiques à partir de ces matériaux et dans différentes géométries selon les applications visées. Nous avons développé une technique spectroscopique, appelée la spectroscopie par ondes évanescentes qui permet par simple contact entre la surface de la fibre et une substance à analyser d’obtenir des informations sur la composition de cette substance. En résumé, La fibre transporte le rayonnement infrarouge d’une source vers un détecteur. Le produit à analyser est mis au contact de la fibre et il va absorber une partie du signal qui se propage à la surface de la fibre. Les avantages de cette technique sont multiples :  nous avons besoin de peu de produit pour effectuer les analyses, une goutte suffit pour obtenir le spectre infrarouge et surtout, celles-ci peuvent s’effectuer in situ et en temps réel, à la différence de la spectroscopie en transmission par exemple.  

Toutes les molécules absorbent la lumière dans l’infrarouge, on peut donc toutes les analyser. Les applications sont nombreuses : médicales (nous avons travaillé sur des maladies du foie comme la cirrhose) ou environnementales (pour la détection de polluants dans l’eau). Nous avons transféré notre technologie à la société Diafir en 2011. Depuis, nos travaux sont très visibles. Nous avons ainsi récemment travaillé avec Jean-Marie Tarascon, médaille d’or du CNRS 2022, pour mettre en place un suivi de l’évolution de la chimie d’une batterie commerciale, en direct, au cours de sa charge ou de sa décharge, grâce à nos fibres optiques.

Au quotidien, j’ai deux métiers : ingénieure, je suis responsable des tours de fibrage du laboratoire, et chercheuse, j’ai notamment en charge un projet ANR. En tant qu’ingénieure de recherche, je suis un peu plus « proche de la paillasse » qu’une chargée de recherche, qui a une charge de travail administrative plus importante, mais la limite est souvent floue !

  • Quel regard portez-vous sur la place des femmes dans votre discipline ?

Pour préparer cet entretien, je me suis penchée sur les chiffres du CNRS pour ma branche d’activité professionnelle, celle des Sciences chimiques et des Sciences des matériaux. Il y a 40% de femmes tous corps et grades confondus. Mais nous passons à 35% de femmes pour les ingénieures de recherche. Pourquoi ? Parce qu’il y a un manque de recrutement externe ? Ou alors les femmes ne postulent pas aux promotions internes ? Ou parce qu’il y a aussi une vie en dehors du laboratoire qui freine les carrières ? Je ne me l’explique pas.

Et en Sciences des matériaux, c’est encore pire : nous passons à 27% de femmes ! Mais là, j’ai un début d’explication : cette discipline, qui recouvre différents domaines, est moins abordée durant nos parcours académiques, contrairement à la synthèse chimique.

Nous manquons peut-être de représentation, ou de communication, autour de nos métiers pour aider les jeunes à se projeter.

  • Justement, quel serait votre message à destination des jeunes générations ?

Pour moi, les qualités pour réussir dans le monde de la recherche sont : patience, persévérance et curiosité. Si vous êtes intéressés par ces métiers, il ne faut pas hésiter à pousser les portes des laboratoires. Contrairement aux idées reçues, c’est un milieu très ouvert sur le monde !

Ensuite, il faut s’accrocher, ce sont de longues études et un univers compétitif. Mais ce sont des métiers tellement passionnants : on apprend toujours, même en fin de carrière !

 

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© Jean-Claude MOSCHETTI / ISCR / CNRS Photothèque

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