Marion Massé : géologue martienne

Entretien Terre et Univers

Avec ses rovers et satellites en tout genre, Mars est scrutée sous toutes ses coutures par des scientifiques du monde entier. Et pourtant, il encore difficile aujourd’hui de reconstituer toute son histoire. Des images satellites au pilotage de drone, Marion Massé, ingénieure d’études du CNRS au Laboratoire de planétologie et géosciences (LPG, CNRS/Nantes Université/Université d’Angers), compare les paysages de Mars à des paysages analogues sur Terre afin de mieux comprendre leur formation.

Regards croisés sur la place des femmes dans les sciences

A l'occasion de la journée internationale des femmes et filles de sciences, le 11 février 2023, et jusqu'à la journée internationale des droits des femmes le 8 mars 2023, découvrez la diversité des métiers d'ingénieures au CNRS à travers une série d'entretiens.

Présentez-nous votre parcours :

Au collège et au lycée, je n’étais pas très bonne élève et je n’avais pas très envie de faire de longues études. J’ai envisagé un temps de faire infirmière, et en attendant le concours, je me suis inscrite à la fac, en géologie. Et j’ai adoré ! De stage en stage, j’ai découvert le monde de la recherche et j’ai finalement passé un doctorat en planétologie, sur la planète Mars.

Ensuite, j’ai fait plusieurs post-doctorats : aux Etats-Unis, en Pologne et en France, à Paris puis à Nantes. Après avoir tenté plusieurs concours pour être recrutée en tant que chercheuse, je me suis demandée ce que j’avais vraiment envie de faire. Et je me suis rendue compte que ce que je préférais, c’était mettre les mains dans les données, plutôt que d’écrire des articles ou de soumettre des projets afin d’obtenir des financements.

J’ai donc passé le concours d’entrée du CNRS sur un poste d’ingénieure d’études, en 2016. Et j’occupe ce poste depuis, au Laboratoire de planétologie et géosciences, à Nantes.

Quelles sont vos activités ?  

Au départ, je travaillais surtout sur des données dites « spatiales », c’est-à-dire issues des satellites, à la fois pour programmer leurs acquisitions mais aussi pour les « nettoyer », les rendre exploitables.  

Depuis quelques années, je me suis spécialisée en photogrammétrie, une technique qui permet de reconstituer des objets en trois dimensions à partir de plusieurs vues photographiques. J’ai d’abord utilisé cette technique pour restituer le relief martien grâce aux images satellites. Ces images peuvent être ensuite insérées dans des outils de visualisation en réalité virtuelle développés par le LPG et VR2Planets, une startup issue du laboratoire, afin de pouvoir faire virtuellement du terrain sur Mars et mieux comprendre ses paysages.

Pour améliorer cette compréhension nous travaillons également sur des analogues terrestres L’idée étant que, puisque que nous ne pouvons pas explorer Mars comme nous le souhaitons, il faut chercher des configurations identiques sur Terre afin de les analyser. Pour cela, j’ai passé mon brevet de pilote de drone. Je pilote donc des drones sur Terre pour mieux comprendre la géologie martienne !

Et si ce que nous cherchons n’existe pas sur Terre, l’autre possibilité est de reproduire en laboratoire les conditions martiennes, les conditions de pression notamment. Nous avons montré par exemple que l’eau ne coule pas du tout de la même manière sur Mars et sur Terre.

Vous assurez également une autre mission au sein de votre laboratoire :

Oui, je suis la correspondante « parité-égalité ». A ce titre, je participe au déploiement de la politique de parité-égalité du CNRS au sein de mon unité. Cela comprend notamment des actions d’information, de sensibilisation ou de formation sur les questions d’égalité professionnelle, ainsi que sur la prévention et la lutte contre le sexisme ordinaire et le harcèlement sexuel. Je travaille en réseau, avec la mission pour la place des femmes du CNRS, les autres laboratoires de la région, toutes disciplines confondues, et avec ceux de mon domaine scientifique.

En géologie justement, et en particulier en planétologie, la situation s’est améliorée, mais il reste encore beaucoup de frein au recrutement et à la carrière des chercheuses. Post-doctorat long, missions de terrains, maternité… Les chantiers ne manquent pas. Les identifier, en parler, c’est essentiel pour trouver des solutions.

Quel message souhaiteriez-vous faire passer à la jeune génération ?

Que rien ne doit vous arrêter ! Si vous en avez envie, allez-y, tentez ces études ! Les débouchés sont parfois difficiles à atteindre, mais ils sont de plus en plus variés. Il existe aujourd’hui de nombreux métiers en lien avec la géologie.

Et pour les jeunes filles : plus nous serons nombreuses, plus nous pourrons faire avancer les choses. Je crois vraiment au pouvoir de la sororité, afin d’améliorer l’égalité professionnelle au sein de nos laboratoires.

Marion Massé sur le terrain
Réalisation de relevés en photogrammétrie dans la grotte de Saint Marcel.© LPG

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