Soizic Terrien : la dynamique des instruments de musique

Entretien Physique

Chargée de recherche CNRS depuis 2021, Soizic Terrien fait rimer physique et musique. Au sein du Laboratoire d’acoustique de l’Université du Mans (LAUM, CNRS/Le Mans Université), la chercheuse étudie à l’aide d’outils mathématiques et numériques, des systèmes dynamiques non-linéaires, dont le comportement est difficile à prédire. Ses recherches fondamentales lui permettent d’étudier la physique des instruments de musique.

A l'occasion de la journée internationale des femmes et filles de sciences, le 11 février 2024, et jusqu'à la journée internationale des droits des femmes le 8 mars 2024, découvrez la diversité des recherches menées par les physiciennes au CNRS à travers une série d'entretiens. Cette opération est labellisée Année de la physique 2023-2024.

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Quel est votre parcours ?
Durant ma scolarité, j’ai toujours aimé les sciences et je me suis donc naturellement dirigée vers des études en physique. L’idée de pouvoir expliquer des phénomènes qu’on observe au quotidien m’attirait.

Je faisais beaucoup de musique, en tant que flutiste. Après une licence en physique à Nantes, j’ai décidé de poursuivre dans un Master en acoustique à Marseille. Là-bas, j’ai ensuite fait une thèse en physique des instruments de musique. Pour perfectionner mon utilisation des outils mathématiques, je suis partie en post-doctorat 4 ans en Nouvelle Zélande, puis à Lyon pour un second post-doctorat en mécanique.

Depuis 2021, je suis chargée de recherche CNRS au LAUM, pour travailler essentiellement en acoustique.

Sur quoi travaillez-vous ?
Dès mon arrivée en thèse à Marseille, je me suis intéressée aux systèmes dynamiques non-linéaires, plus précisément aux instruments de la famille des flûtes. La particularité de ces systèmes est leur évolution dans le temps, avec des fonctionnements difficiles à prédire. Une petite modification de leurs conditions initiales peut complètement changer leur comportement à long terme. Les outils mathématiques et numériques me permettent de modéliser ces systèmes. Et ces outils ont un intérêt appliqué, notamment pour des collègues qui travaillent en optique ou en sciences du climat.

De mon côté, je m’intéresse plus particulièrement à la physique des instruments de musique car la modification de leurs paramètres peut changer de manière drastique leur son. C’est par exemple frappant avec le violon, car il suffit que le musicien modifie la vitesse de l’archet ou change la pression qu’il exerce sur la corde de l’instrument pour qu’on entende un crissement.

Quel regard portez-vous sur la place des femmes dans votre discipline ?
La dernière fois que j’ai regardé les chiffres dans ma discipline (mécanique et acoustique), les femmes représentaient 23% des effectifs, et seulement 16% pour les postes de directeurs et de directrices de recherche.

C’est un écart qui se ressent au quotidien, notamment lorsqu’on est la seule femme sur des projets ou en réunion. Ce qui est marquant, c’est que la proportion de femmes en recherche diminue au fil de la carrière, avec 30% de femmes en post-doctorat, puis un pourcentage encore plus faible en direction de recherche.

Il faut se poser collectivement la question de l’origine de cette répartition et de ce que nous devons faire. Ce n’est pas forcément évident car les comportements sexistes ne sont pas toujours conscients et on retrouve également un biais de représentation dans la recherche.

Cette question, il faut se la poser à tous les niveaux car on observe parfois des différences entre ce qui est pensé dans l’administration et ce qui se passe réellement sur le terrain. Certains discours font porter la responsabilité aux femmes elles-mêmes en leur expliquant qu’il ne faut pas s’auto-censurer. Mais la question est de savoir pourquoi elles le font.

Quel message souhaiteriez-vous faire passer à la jeune génération ?
Si on a envie de se lancer dans la recherche, il faut y aller car c’est un métier passionnant et très stimulant. Et c’est important de comprendre que l’on peut contribuer à la recherche à plein de niveaux différents. Car il n’y a pas d’obligation de poursuivre ses études jusqu’au doctorat, car les ingénieurs et les techniciens sont tout aussi important. La recherche est avant tout un travail collectif.

 

© Ville du Mans, Matthieu Picouleau

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